Problèmes familiaux, professionnels, mal-être ou surendettement ?
Nombreux sont ceux qui trouvent refuge dans les jeux d’argent, le tabac, l’alcool, la drogue, le sexe et les jeux vidéo pour échapper à un quotidien trop pénible. Mais un grand danger les guette : si certains arrivent à se modérer et à conserver une vie normale, d’autres s’enfoncent inexorablement dans l’addiction.
Pour aider ceux qui sont au bord du gouffre et leurs proches, des organismes se sont spécialisés dans la lutte contre l’addiction : centres d’aide aux personnes dépendantes, numéros d’appels partout dans le monde, mises en garde obligatoires rajoutées aux publicités pour les jeux d’argent, protection des mineurs, campagnes de sensibilisation au jeu responsable… Voyons donc ce qui est mis en œuvre dans le monde.
En France, pas de campagne mais des dispositifs de prévention… rébarbatifs !
Les dispositifs légaux de prévention sur les jeux en ligne sont uniquement basés sur des actions comme l’interdiction de jeu pour les mineurs, l’encadrement du jeu (interdiction ou auto-exclusion) pour les personnes en difficulté, l’auto-limitation du jeu (limite de dépôt, limite de mise ou seuil de versement) lors de l’inscription sur un site, et messages de prévention dans les publicités audio ou télévisés vantant les jeux d’argent.
Les spots publicitaires français comportent tous des annonces du genre « Jouer comporte des risques : endettement, dépendance, isolement… Appelez le 09 74 75 13 13 ». Si ce message de prévention a le mérite d’être clair, il faut bien avouer qu’il est plutôt rébarbatif !
Le numéro renvoie vers le dispositif public d’aide à distance « Joueurs Info Service » qui accueille, écoute et oriente les joueurs en difficulté et leur entourage.
Un outil d’autoévaluation et de conseils personnalisés sur les pratiques de jeu
Le site evalujeu.fr, lancé le 5 mai 2015, préserve l’anonymat des internautes et délivre des conseils pour mettre fin à la dépendance. Il a été conçu par l’Autorité de régulation des jeux en ligne française (ARJEL), qui a notamment pour rôle de prévenir le jeu excessif et de protéger les mineurs. Mais ce site reste axé sur l’auto-évaluation et les démarches personnelles : il est donc a priori efficace seulement pour les personnes conscientes de leur problème et qui souhaitent se faire aider…
Un site d’aide pour faire le point sur différentes addictions
Dans le même état d’esprit, le site Addictaide de l’ANPAA (Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie) permet de faire le point (et d’obtenir de l’aide d’un réseau de professionnels) chez les jeunes sur l’usage, l’usage détourné et le mésusage d’alcool, de tabac, de médicaments, mais aussi sur les addictions sans substance comme la pratique de jeu excessif ou l’addiction aux réseaux sociaux ou aux jeux vidéo.
Des actions ponctuelles de certains acteurs du domaine
Dans le cadre de la journée du jeu récréatif, la Français Des Jeux (FDJ) a offert entre le 15 et le 22 juin 2017 des cartes à gratter pédagogiques gratuites, appelées « C’est réglo ». Ce jeu un peu spécial et disponible uniquement dans 120 points de vente Illiko rigoureusement sélectionnés, permettait de remporter des cartes cadeaux d’une valeur de 50 €. Outre les images rigolotes et les questions « éducatives », l’idée était de faire réfléchir les joueurs adultes et plus particulièrement les parents sur la lutte contre le jeu des mineurs. En effet, une étude de 2011 a révélé que 44 % adolescents de 17 ans avaient déjà joué à des jeux de hasard et d’argent au cours de leur vie.
Plus de 8000 commerçants partenaires ont déjà reçu une formation individuelle de sensibilisation sur l’interdiction de jouer pour les mineurs. Cette opération doit se prolonger en 2018 et 2019…
En Suisse
En octobre 2016, 16 cantons suisses ont lancé une campagne publicitaire massive de sensibilisation aux risques des jeux d’argent. Celle-ci fait clairement le parallèle entre les jeux d’argent et d’autres substances (alcool, médicaments, drogue). Des panneaux d’affichage dans la rue, les gares, les transports en commun, aux sous-verres en carton distribués dans les cafés, le message est clair : « Wenn dein Spiel zur Droge wird » (que l’on pourrait traduire par : Lorsque ton jeu devient une drogue).
Les points d’orgue de cette campagne sont des films sur Internet et un documentaire relatant les expériences personnelles et l’addiction de trois anciens joueurs excessifs. En Suisse aussi, il est clair que les autorités cherchent à briser le tabou de la quête du « Saint Graal Jackpot ».
A Singapour, dans le temple du jeu
Chaque année, entre octobre et décembre, Singapour lance une campagne de lutte contre les addictions en tout genre (Singapore’s National Addictions Awareness Campaign) ciblant particulièrement les jeunes. Celle de 2014, très colorée, et dont le ruban rappelle celui de la lutte contre le cancer du sein en France, rappelle « More to life without an addiction » (comprenez : La vie a plus à offrir sans addiction).
Enfin, même si cette campagne commence à dater, on ne peut s’empêcher d’admirer les trois cartes dérangeantes proposées par l’agence McCann Erickson Singapore, connue notamment pour ses campagnes choc de sensibilisation au réchauffement planétaire. Cette fois-ci, ils relayent une campagne de prévention du National Council On Problem Gambling pour leur ville, Singapour, devenue un temple du jeu plus important que Las Vegas et qui doit faire face à son lot d’addictions. En regardant en détail cet as, ce sept et surtout ce joker au visage grimaçant, on s’interroge réellement : « [notre] vie se résume-t-elle aux cartes ? »
Et le champion des campagnes de prévention est… le Canada !
Le pays le plus actif du point de vue des campagnes de lutte contre l’addiction est le Canada. Sans doute est-ce dû au nombre élevé de jeunes joueurs (enquête OSDUHS, 2015) : 31,8 % des jeunes Canadiens jouent régulièrement et 1,1 % d’entre eux sont considérés comme des joueurs à risque.
Au Canada, les addictions sont traitées comme de vrais problèmes de santé publique. Ce n’est sans doute pas par hasard que le Journal of Gambling Issues (JGI) publié par le Centre for Addiction and Mental Health (Centre de toxicomanie et de santé mentale) est LE journal scientifique de référence mondial dans ce domaine.
Au Québec, chaque année au mois de novembre, le ministère de la santé lance une grande campagne d’information et de sensibilisation visant à prévenir, chez les jeunes, les risques et les conséquences associés à la consommation d’alcool ou d’autres drogues et à la pratique des jeux de hasard et d’argent. Les moyens retenus sont très diversifiés : messages télévisés, placements Web, messages radiophoniques, intégration de contenu dans des sites Web jeunesse, textes promotionnels et publicités destinés aux parents d’adolescents dans les médias électroniques et dans les journaux, activité sur le terrain, etc.
Des artistes au service de la lutte contre l’addiction aux jeux d’argent
Les approches peuvent être plus artistiques mais également plus « choc » : affiches, photos, sites web ou dessins partagés via les réseaux sociaux, tous les moyens utilisés sont de véritables petits chefs d’œuvres.
L’association canadienne Safe or sorry joue ainsi sur deux tableaux en proposant dans un emballage de préservatif un jeton de casino portant la mention : « quand il est question de jeux d’argent, des précautions s’imposent ». L’emballage « hearts ultra-protection », rappelle qu’il faut se protéger des effets secondaires des cartes à jouer tout comme de ceux des rapports sexuels d’un soir…
L’organisation Bellwood Health Services, qui traite la dépendance et les troubles de santé mentale sous-jacents, s’était de son côté lancée dans une campagne publicitaire dérangeante. Elle faisait ouvertement le parallèle entre l’addiction aux jeux et celle à la drogue et aux médicaments. Le slogan épuré « Gambling. It’s just as addiction » (Jeu d’argent. Tout aussi addictif) sur de belles photos d’artistes (Dan Willey pour l’agence Doner Canada) fait réfléchir…
La campagne n’est plus d’actualité mais vous pouvez admirer ces œuvres ici :
Une prise de conscience via des situations ridicules…
Sur son site web stopthechase.ca (littéralement Arrêtez la quête ou bien Arrêtez les pertes), le Conseil du Jeu Responsable propose différentes campagnes au fil du temps, mais toutes ont le même but : donner des réponses, de l’aide et des conseils à tous ceux qui ont envie de s’en sortir.
Actuellement, vous pouvez suivre un homme à la poursuite d’un billet dans des situations dangereuses ou carrément ridicules sous l’œil parfois indifférent des passants…
… et des jeux vidéo !
Vous pouvez également jouer à Dodger, un jeu vidéo au design et à la musique très « vintage ». Il vous affiche une petite leçon de morale à chaque fois que vous vous faites dégommer par un gorille, un requin, une soucoupe volante, une tornade, un trou qui s’ouvre sous vos pieds (en fait, vous n’arrivez jamais à atteindre la liasse de billets tant convoitée, le message n’est absolument pas subliminal !)
Quels que soient les supports et les moyens visuels employés, le but reste le même : faire prendre conscience aux personnes concernées (et souvent dans le déni) que leurs problèmes sont graves et les encourager à réagir avant qu’il ne soit trop tard. Car souvent, la proximité avec la situation ou la personne ne permet pas de prendre le recul nécessaire pour avoir une vue d’ensemble de tous les signes qui caractérisent une addiction.